ORDRE SOCIAL ET FÉMINITÉ Narration et subversion
Abstract
De manière aiguë, conflictuelle, complexe et déterminante pour les communautés, La problématique du rapport à l’Autre se pose d’abord dans la relation homme/femme. C’est dans le couple que les concepts de l’Autre et du Désir s’interpénètrent, se chevauchent, se fondent l’un dans l’autre, déterminant l’identité de l’un dans son rapport à l’autre.
Ceci est particulièrement vrai dans la famille traditionnelle maghrébine où se superposent les perceptions identitaires problématiques des éléments du couple (unis dans un rapport d’opposition/différenciation modulé par le désir d’un autre qui se veut identique et même), aux identités imposées la communauté
Les femmes vont y développer un langage spécifique et symbolique, qui va à la fois en faire les dépositaires et les garantes de la tradition orale du groupe, et leur permettre de transcender tous les interdits et toutes les huddud (pour reprendre l’expression de Fatéma Mernissi) : le langage du merveilleux.
C’est pourquoi je me propose de décoder dans ce travail un conte, expression privilégiée de l’imaginaire féminin, celui de Aîcha-les-scandales, pour voir comment la femme conçoit sa propre identité dans son double rapport au groupe social et à l’Autre auquel la soumet un rapport de désir et de pouvoir.
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References
- Notion très problématique en elle-même et sur laquelle nous reviendrons
- « Cette division de l’espace réel correspond à une division du monde, de la vie sociale, fondée sur une séparation des sexes ; elle représente la base de la structure même de la société traditionnelle. » Souâd Khodja. Les Algériennes au quotidien. Alger.Enal.1985.p.15
- La femme dans l’inconscient musulman. Paris. Albin Michel
- F.Mernissi.Etes-vous vaccinés contre le harem ?. Casablanca. Le Fennec.
- Mohamed Enezfaoui. La prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs. In F.Ath Sabbah.Op.Cit
- Le merveilleux, c'est le royaume de l'oralité délirante, où les femmes échappent aux rôles traditionnels et s'évadent dans un monde sans barrières ni frontières. Dans le merveilleux, les femmes possèdent le savoir, qui n'est plus l'apanage des hommes. » F.Mernissi.Rêves de femmes.
- La croyance populaire veut qu’on ne peut pas jeter un sort ou faire une sorcellerie à quelqu’un si on ne connaît pas son prénom, lais fondamentalement celui de sa mère.
- Recueilli par K.Abdou auprès de Feue Mme Zebila en 1978, et publié dans « Contes Algériens » de Christiane Achour et Zineb Labidi.
- quat : gilet de velours finement brodé d'or ou d'argent.
-En arabe dialectal, ces répliques de Aîcha sont toutes rimées :
- Littéralement :
-C'est une interprétation que nous faisons nous-mêmes, nous basant sur le fait que la métaphore rapprochant l'hymen d'une rose rouge est aussi fréquente que populaire. La conteuse, en effet, n'a pas prononcé le mot. Elle a dit d'un air gêné "c'est comme ça".
- C'est le terme effectivement consacré.D'ailleurs la coutume veut que chaque individu qui la "voit" lui offre un cadeau (pour les hommes, cela consiste souvent en une somme d'argent) que l'on appelle "mraya" du verbe "ra a" qui veut dire "voir"
- C'est une expression populaire assez courante pour parler méchamment du strabisme d'une personne.
-Ici, la conteuse s'est adressé à l'auditoire et a dit "Il n'y a pas de honte en religion".L'expression est employée comme préliminaire quand on se sent obligé d'employer certains termes supposés "crus" devant des personnes auxquelles on s'adresse habituellement dans un langage soutenu.
-Ici, la conteuse a beaucoup insisté sur le fait que ce que Aïcha a proféré est vraiment trop énorme pour être répété.
- Littéralement "Youyoutez", c'est-à-dire, pousser des you-yous.
- Ce "prénom" n'éxiste pas, et le mot,sorte d'onomatopée n'a aucune signification ni en arabe classique, ni en dialectal.
- Il s'agit visiblement d'un euphémisme de la conteuse, pour éviter l'emploi de "garce" par exemple.