Roman et médiation politique dans l’Algérie coloniale. L’exemple d’Ahmed Ben Mostapha, goumier (1920) de Mohammed Ben Chérif
Abstract
Dans l’Algérie coloniale du début du XXe siècle, la création littéraire pouvait aussi se fixer sur les attentes socio-politiques du groupe colonial dominant. Premier roman indigène en langue française édité, Ahmed Ben Mostapha, goumier (1920) de Mohammed Ben Chérif indique les limites d’une médiation politique recherchée par les élites indigènes ; cette médiation politique, si elle accompagne l’aventure coloniale, ne parvient ni à s’en détacher ni à en proposer un discours critique. L’écriture post-coloniale, dans le cas de Ben Chérif, sublime le moment historique colonial.
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References
Cf. sur cet aspect les définitions de Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin : The Empire Writes Back. Theorie and Practice in Post-Colonial Literatures, Londres, Rotledge, 1989. On se reportera aussi pour le champ littéraire francophone à Jean-Marc Moura : Littératures francophones et théorie postcoloniale, Paris, PUF, 2005.
Paris, Payot, 1920. Le roman a été réédité, en 1998, chez Publisud à Paris, par Ahmed Lanasri. Les citations renvoient à l’édition originale.
Dans La littérature algérienne de l’entre-deux-guerres. Genèse et fonctionnement, (Paris, Publisud, 1995, p. 157), Ahmed Lanasri observe relativement aux écrits de cette période un « ton légaliste » qui fut au principe même de toute expression indigène.
N’est-il pas significatif que dans son Afrique française et langue française (Alger, Imp. Agius, 1946), Eugène Simon ne retienne de l’œuvre et de la démarche de Ben Chérif que cette profession de foi pour la France et la patrie française ?
Cf. sur cette notion et ses usages, voir Alain Calmes : Le roman colonial en Algérie avant 1914, Paris, L’Harmattan, 1984.
Cité par Charles-Robert Ageron dans France coloniale ou parti colonial ?, Paris, PUF, 1978.
Août 1893, cité par C.R. Ageron, oc., p. 152.
« Fils de grande tente », adoubé dans les palais du gouvernement général, le jeune officier Ben Chérif avait choisi l’épreuve du feu. Il importait peu que celle-ci ait des motivations coloniales.
C’est le cas de Ben Chérif dans les arrières-grands parents luttèrent contre l’invasion française. Djilali Sari donne l’agencement précis des derniers soulèvements des Ouled Sidi Cheikh dans L’Insurrection de 1881-1882, Alger, SNED, 1981.
Questions coloniales, 1er décembre 1898, cité par C.R. Ageron, oc., p. 145.
Traductions données en notes infra-paginale par l’auteur.
On trouvera les développements littéraires de cette intrusion brutale de l’histoire européenne dans ce pays dans les ouvrages de Saïd Guennoun (La Voix des monts, mœurs de guerre berbères, roman, Rabat, Omnia, 1933 et La Montagne berbère. Les Aït Oumalou et le pays Zaïan, essai ethnographique, Rabat, Omnia, 1934).
« Cette contradiction débouche sur un équilibre instable entre l’affirmation d’un nationalisme virtuel, en pointillé et l’affirmation de la fidélité à la France », cf. « La place des militaires dans la formation de l’intelligentsia algérienne moderne. Le capitaine Ben Chérif », dans Éléments d’histoire culturelle algérienne, Alger, ENAL, 1984, p. 116.